23 décembre 2008
Budget 2009 de la Région Alsace
intervention en séance plénière de Philippe CARBIENER
L’année 2009 s’annonce sous les plus mauvais auspices, ceux de toutes les crises, crises qui ne sont pas conjoncturelles mais structurelles, dans un contexte où notre Région s’avère pleinement exposée et fort peu épaulée, que ce soit par l’Etat français ou les institutions internationales.
Du point de vue économique et financier nous sommes confrontés à ce que beaucoup jugeaient impensable, faute d’y avoir été véritablement attentifs.
Qui remarquait hier que l’économie mondiale reposait sur une logique keynésienne de fait dont le seul pilier, la demande américaine, était destinée à s’effondrer sans filet puisque les logiques néo-libérales et d’économie de l’offre rendaient inopérant tout recours aux dérives à l’oeuvre. La mondialisation a permis l’établissement de logiques objectivement parasitaires, qui permettent par exemple de produire des biens marchands sans assurer en regard une demande solvable.
Parasitaire, le « low-cost » planétaire produit en profitant d’une demande résiduelle qu’il réduit chaque jour inexorablement.
La question en Alsace n’est plus de savoir quelle sera la prochaine entreprise à délocaliser mais quel pourrait être celle qui, profits ou non, serait susceptible de rester à terme. Le modèle social des pays du tiers-monde, travailler constamment pour pratiquement rien, l’actif de demain devant gagner moins que le demandeur d’emploi d’hier, nous est donc alors logiquement proposé par le président.. Il s’agit là que de résultats issus d’un aveuglement suscité par une idéologie dont la séduction résidait dans son caractère simpliste, celle du libéralisme économique et, non d’une réalité physique. Les limites de la planète, bien réelles, ne sont là pas en cause. Aux Etats-Unis, camps de toiles et maisons vides, parfois neuves, se juxtaposent à l’heure actuelle.
Bien plus difficile est la crise écologique dans laquelle nous nous situons et la catastrophe climatique qui se rapproche. Là nous ne sommes pas confrontés à l’impensé mais à l’impensable, tant nous persistons à faire preuve de vanité en recourant aux puérils espoirs de solutions scientifiques aux bases des plus courtes, personne ou presque n’étudiant ou n’entrevoyant plus la nature dans sa globalité, sa complexité, sa perfection intrinsèque, la plupart continuant à s’acharner à « savoir presque tout sur presque rien » comme a pu le dire le généticien Albert Jacquard.
A quoi pourront bien servir à moyen terme les vigoureuses mesures décidées au plan économique si elles se déploient sur une planète qui se meurt ?
Ici, au niveau régional, notre budget de moins d’un milliard d’euros est évidemment dérisoire pour résoudre seul des problèmes d’une telle ampleur. Mais c’est bien pourquoi il doit faire preuve d’une rigueur aux formulations rénovées...
En effet la fiscalité locale est peu corrélée aux capacités contributives et votre hausse de presque 7% , après amendement, s’avérera souvent particulièrement délicate à assumer pour les assujettis aux taxes foncières. Ceux-ci risquent d’être de plus en plus mis à contribution à l’avenir, puisque la TIPP devient la première ressource régionale alors même que son produit devrait diminuer à l’avenir.
Pour être pleinement efficace, ce budget doit éviter toutes dépenses pouvant s’avérer néfaste, toute lacune ou inaction qui, loin de constituer une économie, génèrera une carence couteuse.
Sur la plupart des formulations et des points du budget, vous nous rejoignez mais en vous arrêtant à chaque fois à mi-parcours.
Vous initiez une politique de l’environnement mais sans songer à la diffuser dans tous les budgets et de manière systématique, et exclusive d’autres inscriptions en contradiction.
Par exemple, en ce qui concerne l’énergie et le climat, vous poursuivez le programme de bâtiment à basse consommation que nous vous proposions mais à ce jour seuls 32 projets ont été retenus alors qu’en Région Poitou-Charentes 446 sont déjà financés.
Vous faites appel à la bonne solution du 1/3 investisseurs pour l’équipement exhaustif en photovoltaïque des toits des lycées mais négligez de monter une solution de ce type pour l’offrir à tous les propriétaires ou bailleurs d’Alsace en dépit du soutien à leur élaboration que peut vous offrir le riche tissu bancaire dont nous disposons.
Vous avez pourtant par ailleurs signé des conventions avec un producteur d’énergie nucléaire qui ne s’engage en retour à rien si ce n’est à ce qu’il fait de toute manière parce que cela est obligatoire ou très rentable pour lui.
A son initiative, vous soutenez le chauffage et la climatisation par pompes à chaleur qui enclenchent de vieilles centrales thermiques à la plupart des périodes de leur utilisation.
Vous lui faites confiance en lui confiant une part de la formation des professionnels alors qu’elle aurait besoin d’orientations bien plus objectives.
Somme toute, que pèse alors notre premier rang en taux d’équipements en panneaux solaires ? Peu, si l’on considère le cluster Energivie très lacunaire puisque dépourvu de R&D et d’activités industrielles.
Par charité je ne parle pas des 108 voyages aériens au long cours vers la Chine et à fort taux de carbone que la Région Alsace finance même pour la simple formation des scolaires.
Le budget présente un effort manifeste pour le ferroviaire mais les moyens dévolus aux routes augmentent de 50% avec une formulation alambiquée qui constitue un blanc-seing à peine voilé pour le GCO, infrastructure conçue avant les crises alimentaires, à l’époque du « tout routier », en 1970, et que vous soutenez pour les années 2000...
Vous avez d’ailleurs inscrit au contrat de plan prévoit d’ailleurs d’autres rocades inutiles.
Parallèlement les prévisions de croissance pour le transport ferroviaire de voyageurs sous-estiment sans doute la dynamique auto-incitatrice à l’œuvre et ses conséquences prévisibles en offre déficiente à terme en dépit des efforts menés.
Ces insuffisances sur l’énergie et le climat s’avèreront ruineuses pour l’Alsace.
Vous prévoyez un soutien à l’agriculture biologique mais votre projet tardif d’atteindre 7% de la SAU en 2013 constitue une progression bien timide au regard des enjeux de santé environnementale et de conservation des sols. La Région PACA a déjà atteint ce taux et l’Auvergne s’est doté d’un « plan bio » pour la dépasser. Il est vrai que le mot « plan » est ici curieusement inconnu, systématiquement .
Il y a d’ailleurs loin du discours aux actes puisque les annonces triomphalistes sont contredites par des autorisations d’engagement en baisse et des autorisations de programme stagnantes, le bio ne constituant de toute manière que 6% du budget agriculture.
Cette aide pusillanime est lié à la persistance de soutiens contradictoires à des filières à composantes chimiques, acteurs chers à la Région, alors que seule une singularisation bio labellisée peut consolider l’avenir économique du secteur et que la aussi une bonne gestion aurait exigé un ciblage exclusif.
L’espace alsacien est compté et pourtant il nous faut pouvoir accueillir de nouvelles activité.
Réhabiliter nos nombreuse friches industrielles devrait donc constituer un axe fort mais en dépit de cette évidence vous y consacrez passivement d’année en année le même budget, un pauvre million d’€ en AP, totalement dérisoire face à l’enjeu, qui stagne depuis 5 ans. Pourtant entre temps vous avez pas pris connaissance du rapport qui nous indique qu’à brève échéance tout l’espace de la plaine du Rhin sera artificialisé ne laissant plus aucun espace à la nature ni même à l’agriculture.
7.3 millions d’euros sont affectés à l’innovation, mais pour quel contenu ?
Ne consacre-t-on pas trop d’espoirs coûteux au génie-génétique, que ce soit à Strasbourg ou à Colmar, dont les répercussions tant annoncées en terme d’activité d’emplois semblent absentes selon les évaluations objectives réalisées par des experts ? Sans lâcher ce qui a le mérite d’exister, ne conviendrait-il pas de redéployer nos interventions vers des domaines qui, à l’inverse, sauront progresser vers l’autonomie et la rentabilité ?
Nos pôles de compétitivité sont pleinement justifiés puisque ancré dans notre structure économique mais au vu des résultats il s’avère importants d’en concevoir d’autres, susceptibles d’assurer la compétitivité à long terme de notre Région en la fondant sur des secteurs d’avenir selon les connaissances dont on dispose aujourd’hui.
Il faudrait rompre avec un cercle vicieux où l’on voit une culture dépassée, générer des initiatives politiques inappropriées incapables de susciter de bonnes impulsions en recherche/développement. En dépit du Grenelle, génie-génétique, grands travaux routiers et soutien institutionnel au nucléaire, restent l’actualité de la Région Alsace.
Il faudra impérativement changer le paradigme si l’on prétend voir fleurir mille projets dans le secteur des technologies vertes.
Dans tous les domaines, les soutiens accordés à des secteurs d’autrefois s’avèrent inutilement coûteux car, pour partie, ils neutralisent et peuvent rendre inopérants les budgets dépensés à bon escient.
Une perception plus aiguë des enjeux aurait permis d’éviter ce manque de rigueur en matière de climat, de santé environnementale, de sécurité alimentaire, de prospectives économiques.
De ce point de vue, la baisse de 20% du budget « stratégie de l’environnement » est symboliquement significative. N’en payons nous pas déjà le prix avec par exemple un tourisme dont on relève qu’il augmente, mais néglige nos zones rurales, celles-ci étant peut-être devenues trop peu attractives ?
Ce budget annonce bien des choses que la ventilation des chiffres dément. Il ne façonne pas la compétitivité à long terme de notre région, n’adresse pas de messages clairs aux investisseurs du « green business » alors que seule une visibilité très nette peut nous permettre d’escompter les attirer.
Cette relative passivité de votre gestion s’exprime aussi au niveau conjoncturel.
Face à la crise, l’Ile de France augmente ses crédits de politiques sociales de 15 %, alors que nous les baissons de 5%, l’Alsace affiche un pauvre +3% en matière d’ « économie et d’emploi », une stagnation à 0% dans l’ « innovation et la recherche » pendant que là aussi l’Ile-de-France, prend le taureau par les cornes avec des hausses de 15%...
Alors que l’heure est à la relance, aucun des grands chantiers écologiques que nous vous proposions, plan « Négawatt », plan « Rhin Vivant », ne sont inscrits. Nous aurons donc le seul GCO alors que le secteur du BTP aurait là pu s’exercer autrement, utilement.
Mais au-delà des chiffres nous devons aussi déplorer le lobbying insuffisant de la Région Alsace face à l’Etat.
On aimerait entendre sa voix, guère coûteuse elle, face au coût croissant de l’exploitation des T.E.R, face au besoin criant de rénovation des infrastructures ferroviaires qui tous deux relèvent de sa compétence, mais aussi en faveur de projets d’expérimentations écologiques permettant une autre relance.
A l’analyse ce budget est donc bien moins rigoureux qu’il n’y paraît, il n’est pas assez sensible à ce qui se dessine, au contexte de notre époque, aux conditions nouvelles, aux vrais enjeux de l’avenir.
Nous refusons de penser comme Talleyrand qu’il est trop tard pour agir lorsque les problèmes sont urgents et nous aurions voulu un budget où le climat et l’environnement soient une priorité absolue, irriguant toutes les politiques, tous les secteurs économiques, et inspirant des projets de relance durable.
Or nous n’avons ici que quelques mesures et de multiples lacunes.
Ces défaillances signent une inaction qui se révèlera des plus coûteuses à moyen terme. Ainsi, faute d’accents clairs en faveur du développement durable la rigueur affichée est en fait absente de ce budget et nous nous retrouvons à l’inverse face au saupoudrage habituel, signe d’un budget électoraliste avant l’heure.
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