03 novembre 2008

La Région appuie sur le champignon nucléaire et signe pour du vent



par Philippe CARBIENER

La commission permanente du 5 septembre 2008 du Conseil Régional d’Alsace a validé une convention avec la société EDF, poids-lourd du CAC 40 et championne mondiale du nucléaire.
Les élus socialistes et verts se sont opposés à cette convention qui aboutit à cautionner la poursuite de l’exploitation de Fessenheim pour une durée désormais indéterminée.
Les autres aspects de cette convention servent d’alibis à l’énergie nucléaire qui représente en France 87 % de la production d’électricité alors que d’année en année la part relative des énergies renouvelables peine à s’accroître. En Alsace, elle ne représente que 0,25% de la production d’électricité si on exclut le grand hydraulique d’après-guerre.



Cette convention est totalement en faveur d’EDF qui ne prend que des engagements correspondant à des opérations qu’elle aurait de toute manière menées.
En contrepartie la Région lui offre une contribution inestimable en terme de communication et d’image qui décrédibilise totalement son programme « Energivie »

Mais au-delà du débat pour ou contre le nucléaire, ce qui est fondamentalement troublant dans ce partenariat c’est l’absence totale de contribution tangible de la part d’EDF.
Lorsque par exemple la Région signe un partenariat avec Gaz de Strasbourg pour Musica, il s’agit d’un contrat entre une entreprise qui finance un évènement culturel pour y trouver un bénéfice d’image et la collectivité qui voit sa contribution financière au festival réduite d’autant. et la société y trouve un bénéfice d’image. Les choses sont ainsi équilibrées et le principe légitime.
Mais là il s’agit d’une véritable arnaque, jugez plutôt :

- « le Groupe EDF consacrera une somme de 16,5 M€ au programme Energivie » :
en réalité il s’agit là d’une somme qu’EDF aurait de toute manière consacré aux opérations décrites et qu’elle a même déjà largement engagé dans son intérêt financier bien compris.

- « 5 M€ seront consacrés à l’appui au développement ou à la modernisation de moyens de production d’énergie renouvelable, »
les tarifs de rachat d’électricité renouvelable voulu par le législateur offre une rentabilité largement assez attractive pour qu’EDF s’engage de toute manière très fortement sur ce créneau de production. Sa filiale « EDF énergies nouvelles » vente à juste titre des énergies rentables et prometteuses. Quant au développement des capacités de production de l’hydraulique comme au barrage de Gambsheim, il s’agit là d’une démarche qu’EDF engagerait de toute manière puisque, selon ses propres dires, l’hydraulique a « un coût de production très bas ».

- « 1,5 M€ seront consacrés aux actions de développement de la formation en matière énergétique et du patrimoine naturel en Alsace, »
De tout temps les énergéticiens se sont investis dans le domaine de la formation professionnelle pour la bonne et simple raison qu’il s’agit là d’avoir une influence commerciale sur ces futurs prescripteurs de solutions énergétiques.
Concernant la protection du patrimoine naturel en Alsace, cela fait des années qu’EDF a des conventions avec le Conservatoire des Sites Alsaciens qui vont dans ce sens.

- « 10 M€ seront consacrés à l’accompagnement des programmes et actions de réduction des émissions de gaz à effet de serre des bâtiments en Alsace, et à la protection de la biodiversité en Alsace. »
EDF ne s’engage ici à rien d’autre que ce que lui impose la loi programme du 13 juillet 2005. Celle-ci édicte une obligation de réalisation d’économie d’énergie que les pouvoirs publics imposent aux fournisseurs d’énergie, tel EDF. Cette obligation est d’ailleurs assortie de fortes incitations financières. La loi prévoit d’imposer ainsi 54 TWh aux énergéticiens pour la période du 1er juillet 2006 au 30 juin 2009.
La rénovation de logements sociaux et publics, selon le standard « post-Grenelle » que la convention annonce avec fracas n’est rien d’autre qu’un des éléments pratiques de ce dispositif.

Le fin mot de l’histoire,réside bien sûr ailleurs.
L’élément dominant du « mixte énergétique » valorisé par la convention est clairement la production d’énergie nucléaire avec l’annonce dans la convention de la « modernisation » de la centrale de Fessenheim. En clair l’annonce de la prolongation pour une durée indéterminée de son exploitation…
Cette énergie est certes pauvre en CO2 est en revanche lourde en déchets nucléaires. Les deux réacteurs de Fessenheim produisent en effet 25 000 tonnes de déchets nucléaires par an. Or le Gouvernement et les autorités nucléaires recherchent actuellement désespérément de nouveaux sites pour enfouir des déchets produits par le parc nucléaire français. 3115 communes et 20 départements sont visés avec en Alsace les cantons de Saverne, Hochfelden, Sarre-Union et, sous réserve, Niederbronn qui sont concernés sans que l’on en sache encore davantage. Mais en engageant ainsi la Région dans l’option nucléaire, le Président ZELLER aura peu d’argument moraux à opposer à ces projets d’implantation de poubelles nucléaire en Alsace.

Par ailleurs le nucléaire était jusqu’ici une compétence purement nationale aux hypothèques financières importantes. Aucune collectivité territoriale ne se risquait à vouloir en endosser une éventuelle responsabilité. Cette prudence est ici bafouée et la Région Alsace engage symboliquement un transfert partiel de compétences qui peut s’avérer à terme parfaitement ruineux et sans bénéfice aucun pour elle.

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