13 mars 2009

Le plan de relance de la Région Alsace



intervention en séance plénière de Philippe CARBIENER

Le mot relance suscite de prime abord, un mouvement de recul pour tout écologiste.
Attiser la croissance risque tout bonnement de hâter la disparition totale de la Nature que nous connaissons et de l’homme qui lui doit l’essentiel. Mais nous sommes aujourd’hui face à une crise épisodique de ce processus historique qu’est la croissance, qui engage notre responsabilité politique.
Les mutations réussies ne s’accomplissent qu’avec un minimum de sérénité, de recul.
Les crises aiguës conduisent à des régressions aux conséquences dramatiques pour la société. On ne peut en aucun cas espérer qu’un tel contexte puisse autoriser, fonder, une réorientation ambitieuse, correspondant à une amélioration de l’état de notre condition.
Parce que la question de la transition est cruciale pour tout projet politique novateur, nous plaidons pour de vigoureuses mesures conjoncturelles, avant le temps long qui sera forcément nécessaire à la réussite d’une telle mutation indispensable, et de toute manière inéluctable de notre fonctionnement économique.




Aujourd’hui c’est la subsistance de milliers de concitoyens qui est en jeu car il faut se représenter qu’après 1929, le chômage aux USA atteignit des taux triples à quadruples à ceux subis actuellement. En Alsace, une telle augmentation de ce dernier serait d’autant plus grave qu’elle se rajouterait à la baisse continue des rémunérations subies depuis quelques années, que l’on soit fonctionnaire ou retraité. La globalisation et le libéralisme ont déjà largement accompli leurs ravages et le pire est à venir puisqu’une majorité politique irresponsable a décidé de confronter nos actifs à leurs homologues roumains ou chinois.
Avec à la clé, des salaires qui ne permettent plus que d’acheter des biens d’une gamme produite à l’étranger, enclenchant un cercle vicieux qui n’en est qu’à ses débuts.

Vous nous conviez aujourd’hui à voter avec pompe un montant d’investissement supplémentaire qui n’est que l’équivalent aux deux tiers de celui que vous aviez, il y 3 mois à peine, soustrait au BP 2009 si on le compare aux BP des années précédentes. Les montants affectés à la relance sont ridicules au niveau de l’Etat , qui peut beaucoup en la matière, et il faut convenir que la Région ALSACE n’a pas là de faculté réelle. Elle peut intervenir à la marge, et dès lors il est indiscutable qu’elle doit bien sûr aussi le faire. Nous approuvons donc pleinement le fond de la démarche, qui est d’ailleurs celle de toutes les collectivités locales à l’heure actuelle. Si les montants sont ici nécessairement faibles, la question cruciale est de leur donner une orientation parfaitement rigoureuse pour concilier, simultanément, l’économie, le social et l’environnement, mais dans les faits, au-delà de l’affichage des intentions. Tout particulièrement lorsque l’on mobilise comme ici la capacité d’emprunt de la RA. Or nous trouvons ici, un pot pourri de projets pleinement approuvables, de bien d’autres discutables et de certains franchement condamnables.

Alors oui, évidement, aux participations financières, au soutien aux prêts des entreprises, d’autant plus que ce volet s’adresse à des PME, entreprises dont il est avéré qu’elles sont plus solidement ancrées dans notre territoire que les très grandes sociétés.

Nous disons oui aussi à l’amélioration de la performance énergétique dans le secteur de l’élevage de volailles labélisées mais aurions souhaité une vision plus globale du bilan énergétique de leur cycle de production. Pourquoi pas non plus cet effort sur la formation continue et surtout initiale ? Mais en espérant que concernant cette dernière les mises à mal idéologiques du Président de la République ne le rende pas vain…

Nous sommes circonspects face à l’idée de couvrir notre région septentrionale de serres agricoles alors que les productions à contre saison sont un luxe énergétique peu viable à terme. Nous le sommes tout autant concernant l’idée d’aider nos entreprises à prospecter exclusivement les pays de l’est européen à bas coûts. Qui nous garantie que cette démarche ne sera pas le prélude à des délocalisations supplémentaires ?
Développer les éco-entreprises, bien sûr même s’il avait fallu, considérant notre retard à l’échelle mondiale, une politique vraiment nouvelle, plutôt qu’un toilettage des dispositifs déjà existants. Si les PME y répondaient davantage, il faudra que la RA se fixe des critères rigoureux en matière de développement durable. La convention que vous avez signée, l’an passé, au nom de cette valeur avec un géant de l’électricité d’origine radioactive n’en donne vraiment pas l’exemple et nous conduira à être vigilants.

Il reste qu’après des décennies de militantisme nous apprécions de voir enfin reconnu que la préoccupation environnementale est un facteur majeur de compétitivité. Mais quand allez-vous réaliser qu’il s’agit aussi d’un facteur primordial de production tout court ?
Cette idée vous demeure manifestement éloignée, lorsque l’on note, avec effarement qu’un quart de ce plan sera consacré à anéantir Nature et cultures par le financement de la réalisation de la liaison interports, à l’ambiguïté menaçante, de l’inutile rocade Sud et de l’aberrant GCO. Avec ce que nous savons aujourd’hui, la Région ALSACE se rend coupable à ce sujet d’une décision irresponsable dont je suis certain, vous serez tous penauds d’ici 20 ans. Notons à ce chapitre que le ferroviaire ne se voit consacrer ici qu’un budget à simple parité, alors qu’il est lui de compétence régionale, à l’inverse du routier. Même l’argent, précieux actuellement, méritait mieux, et nous aurions voulu le voir consacré à une relance durable, à l’esquisse d’un autre avenir.

Entre vieilles lubies passéistes et projets plus intéressants mais aléatoires car fondés sur des partenariats très hypothétiques, votre plan de relance manifestement improvisé ne constitue qu’une somme d’expédients. La responsabilité en revient à ce que nous vous reprochons depuis 5 ans maintenant, à savoir, hormis l’éducation, l’absence de projets politiques structurants qui devraient être propres à notre instance. Celle-ci dispose pourtant encore à ce jour d’une compétence générale et d’un droit à l’expérimentation.
Si outre la restauration des lycées et sans attendre l’urgence, vous nous aviez suivi pour planifier un grand programme de restauration effective du Rhin ou, entre autres exemples, de réhabilitation exhaustive des friches industrielles au moyen de l’outil foncier que nous n’avons cessé de vous proposer, nous n’en serions aujourd’hui certainement pas là. Nos projets permettraient de stimuler directement et sans attendre de grands travaux écologiques. Il est dommage que vous n’ayez jamais voulu nous entendre sur des ambitions de ce niveau d’envergure, que nous avons toujours voulu parfaitement réalistes.

Une relance s’avère sans conteste nécessaire, car, il faut le rappeler, c’est l’effacement de la puissance publique au sujet de l’interventionnisme économique qui avait conduit, dans les années 30, un totalitarisme meurtrier au pouvoir en Allemagne.
Aujourd’hui, pour éviter le pire sur notre continent il nous faudra impérativement savoir sortir du libéralisme et de la globalisation de manière à ériger une protection à l’Europe sociale.

Avec ses prérogatives et à son échelle, la RA ne peut que peu, vous en conviendrez Monsieur le Président, et si elle a le mérite d’accomplir ce qui lui est possible, il faut réaliser que ce plan ne représente que 0,06 % du PIB alsacien.
A l’heure où l’échelon régional est contesté, accorder trop de panache à cette délibération risque de caractériser ce que beaucoup s’empresseront de qualifier « d’illusion régionale ». Au delà du débat sur le contenu, il nous semble avant tout que c’est la modestie qui s’impose, que ce soit celle du simple devoir accompli mais aussi celle qui doit conduire à avoir l’humilité de reconnaître une influence très marginale.


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